
« Soit tu as le mental, soit tu ne l’as pas », « Elle a la glisse dans le sang », « Il n’est simplement pas doué pour le jeu de tête ».
Tout autant d’affirmations très courantes dans le monde du sport. Qu’elles soient positives (il ou elle est doué∙e) ou négatives (pas doué∙e), ces remarques renvoient à une même vision de la réussite, qui serait uniquement le résultat de capacités innées. Mais dans cette optique, quelle place reste-t-il alors pour échouer, apprendre, et progresser ? Si je suis doué∙e, il est normal que je réussisse. Je n’ai alors pas vraiment de mérite et l’échec devient intolérable. A l’inverse, si je ne suis pas doué∙e, autant arrêter les frais tout de suite.
Pourtant, dans le domaine du sport (comme dans n’importe quel autre), la réussite ne repose pas seulement sur le talent inné ou les capacités physiques, mais aussi sur le travail, la persévérance et la faculté à apprendre de ses erreurs. Accepter l’échec et y faire face est indispensable pour apprendre et progresser. L’un des concepts clés qui sous-tend cette mentalité est ce que l’on appelle le growth mindset ou état d’esprit de développement. Adopter cet état d’esprit peut radicalement changer la façon dont les sportives et sportifs abordent les défis, surmontent les obstacles et atteignent leurs objectifs. Explorons ce qu’est le growth mindset et comment l’intégrer dans votre parcours sportif.
QU’EST-CE QUE LE GROWTH MINDSET ?
Le growth mindset, ou état d’esprit de développement, est une théorie développée par la psychologue Carol Dweck. Elle soutient que les individus qui croient que leurs capacités peuvent être développées par l’effort et l’apprentissage ont tendance à réussir plus que ceux qui croient que leurs capacités sont figées. En d’autres termes, les personnes avec un growth mindset voient les défis comme des opportunités d’apprentissage et de croissance, et non comme des barrières insurmontables.
L’état d’esprit de développement est opposé à l’état d’esprit fixe ou fixed mindset. Ce dernier correspond justement à l’optique selon laquelle je suis soit bon, soit mauvais, et mon résultat vient définir dans lequel des deux groupes je me trouve. On comprend alors aisément combien l’échec devient menaçant pour l’estime de soi en nous envoyant sans ménagement dans la case des mauvais. Par conséquent, les personnes avec un fixed mindset cherchent souvent à éviter l’échec plutôt qu’à se concentrer sur la tâche à effectuer. Par exemple, un joueur de football qui rate plusieurs coups francs lors d’un entraînement pourrait abandonner et ne plus réessayer, par peur de l’échec, de se penser mauvais et de l’impact sur son estime de lui-même. Dans cette logique, faire des efforts est souvent perçu comme un signe de faiblesse, car réussir devrait être facile pour les personnes douées.
Par ailleurs, les personnes ayant un fixed mindset réagissent moins bien aux critiques et aux feedbacks, car elles se sentent menacées et sont sur la défensive lorsqu’elles reçoivent un retour. Cela freine leur progression, car il devient difficile ainsi d’identifier les axes d’amélioration.
COMMENT DÉVELOPPER ET CULTIVER SON GROWTH MINDSET ?
Cultiver un growth mindset permet de s’offrir un parcours plus serein au travers des difficultés inhérentes à la poursuite d’un objectif qui demande des efforts importants, ainsi que de meilleures chances de réussir à l’atteindre. Cela demande un effort conscient, mais c’est un processus accessible à tous. Voici quelques stratégies pour y parvenir :
Transformer les erreurs en opportunités d’apprentissage
Au lieu de voir l’échec comme une preuve de vos limites, considérez-le comme une étape normale de votre progression. Analysez vos erreurs pour comprendre ce qui n’a pas fonctionné et comment vous pouvez ajuster votre approche. Chaque revers contient une leçon, à condition d’y prêter attention. Les athlètes qui adoptent un growth mindset prennent le temps de réfléchir à leurs performances, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Ils se demandent : « Qu’ai-je bien fait ? Qu’aurais-je pu mieux faire ? » Cette analyse régulière leur permet de se remettre en question et d’identifier des pistes d’amélioration, plutôt que de s’enfermer dans une simple recherche de résultats immédiats.
Redéfinir la signification de la réussite et de l’échec
L’échec ne marque pas la fin, mais une étape dans le processus d’amélioration. Et il est toujours possible de s’améliorer, que l’on ait réussi ou échoué. Après une victoire, il est tout aussi important de chercher des points d’amélioration. Posez-vous la question : quels risques auriez-vous pu prendre ou quelles stratégies auriez-vous pu essayer ?
Fixer des objectifs orientés vers la progression
Au lieu de vous concentrer uniquement sur des objectifs de performance (« Je veux gagner cette compétition »), fixez-vous des objectifs de progression. Par exemple, améliorez vos techniques spécifiques ou augmentez graduellement votre endurance. Des objectifs mesurables et réalistes vous permettent de constater vos progrès, renforçant ainsi votre motivation. En vous concentrant sur ce que vous contrôlez — votre engagement, votre travail et votre persévérance — vous restez motivé même lorsque les résultats tardent à venir.
Adopter une vision à long terme
Le développement d’une compétence ou d’une aptitude prend du temps. Cultiver un growth mindset signifie accepter que les résultats ne viendront pas du jour au lendemain. Ayez une vision à long terme et comprenez que chaque petit progrès compte. Cela vous aide à rester persévérant, même face à des défis apparemment insurmontables.
Apprendre à se parler avec bienveillance
L’autocritique excessive peut freiner la progression. Lorsque vous faites face à un échec ou à une difficulté, évitez de vous juger sévèrement. Remplacez les pensées négatives par des encouragements. Par exemple, au lieu de penser « Je suis mauvais dans ce domaine », dites-vous : « Je ne suis pas encore au point, mais je peux m’améliorer avec de la pratique. » Faites-en sorte d’être pour vous le coach idéal, une personne que vous aimeriez avoir à vos côtés pour vous motiver.
Apprendre des critiques et des feedbacks
Apprendre à accepter les critiques constructives est essentiel pour progresser. Ne percevez pas les commentaires comme des attaques personnelles, mais comme des informations précieuses pour vous aider à vous améliorer. Que ce soit de la part d’un coach, d’un coéquipier ou après une auto-évaluation, intégrez ces retours pour ajuster votre entraînement et affiner vos compétences.
Se confronter à l’échec, déjà chez les juniors
Echouer ne fait jamais plaisir et il peut être plus confortable de chercher à éviter l’échec. Les adultes peuvent également avoir tendance à vouloir protéger les jeunes de l’échec. Pourtant, il est important d’enseigner aux jeunes que l’échec ne définit pas leur valeur, qu’il ne signifie pas qu’on est nul ou qu’on n’y arrivera jamais, en leur offrant l’occasion d’apprendre à gérer ces situations dès le début de leur parcours.
Célébrer les progrès, même les plus petits
Reconnaissez et appréciez vos petites victoires. Chaque étape franchie, même minime, contribue à votre progression. Célébrer ces avancées vous motive à continuer et vous rappelle que vous êtes sur la bonne voie.
Rester flexible et ouvert au changement
Dans le sport, les situations évoluent constamment. Les athlètes avec un growth mindset sont prêts à ajuster leur approche, à modifier leurs stratégies et à essayer de nouvelles techniques. Ils ne sont pas figés dans une manière de faire ; ils sont curieux, expérimentent et trouvent ce qui fonctionne le mieux pour eux à long terme.
Créer un environnement propice à la croissance
L’environnement joue un rôle fondamental dans le développement d’un growth mindset. Les athlètes qui évoluent dans un cadre où l’apprentissage, l’effort et la résilience sont valorisés sont plus enclins à adopter cet état d’esprit. Que ce soit en s’entourant , d’entraîneurs, de mentors, ou de coéquipiers qui encouragent cette mentalité, l’environnement doit favoriser la progression plutôt que la perfection immédiate.
CONCLUSION
L’enjeu central derrière les concepts d’état d’esprit fixe et d’état d’esprit de développement réside dans la manière dont nous percevons l’échec et la réussite, et comment cela vient affecter l’estime de soi. Adopter un growth mindset permet de redéfinir le sens de l’échec pour le rendre plus supportable, à la manière de ce que disait Nelson Mandela :
« Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ».
De cette façon il est possible de surmonter les défis en transformant la peur de l’échec en motivation. En se concentrant sur l’apprentissage continu, les athlètes améliorent non seulemet leurs performances, mais cultivent également une résilience qui leur permet de mieux faire face aux obstacles.
Bien entendu, développer un growth mindset demande du temps, de la persévérance et une certaine bienveillance envers soi-même. Il est normal de passer d’un état d’esprit à l’autre selon les situations. L’important est de reconnaître ces oscillations et d’essayer, autant que possible, de s’ancrer dans une mentalité de croissance. Les bénéfices à long terme sont immenses : une capacité accrue à apprendre de ses erreurs, à surmonter les échecs et à voir chaque défi comme une occasion de s’améliorer.
Le growth mindset est une attitude qui peut être adoptée comme philosophie de formation dans les clubs, et relayée par les dirigeant∙e∙s, les entraîneurs et les personnes encadrant les athlètes. C’est en aidant les jeunes athlètes à comprendre que leur valeur ne dépend pas uniquement de leurs résultats que leur entourage peut les guider vers un chemin de progression durable.